Grand dernier scandale en date : l’affaire Wirecard, ayant éclaté en Allemagne au début de l’été 2020. Elle a secoué les marchés mais aussi l’ensemble de la place financière. Pourtant, il ne s’agit pas du premier drame boursier. Retour sur plusieurs affaires célèbres.
Wirecard, le géant allemand des paiements en ligne, faisait partie du DAX (les 30 plus grosses capitalisations allemandes) et a valu jusqu’à 24 milliards d’euros en Bourse. Pourtant, l’entreprise a déposé le bilan fin juin 2020. Comme d’autres avant elle, cette faillite a ébranlé l’ensemble de la place financière.
Le dépôt de bilan de Wirecard en 2020 rappelle que la place financière peut se faire duper
Le management de Wirecard a reconnu que certains actifs de l’entreprise étaient fictifs. En quelques jours, la valeur du titre a chuté de 100 à 3,3 euros. Le groupe s’est trouvé incapable de faire face aux échéances de sa dette. L’affaire a jeté un froid sur la place financière, car peu de spécialistes avaient anticipé cette issue. Une forme de cécité collective semble même s’être emparée de tous les observateurs censés connaître l’entreprise. Les investisseurs ont été aveuglés par la success story d’une des rares fintechs (entreprise mêlant finance et technologie) de cette envergure en Europe.
Cette banqueroute rappelle les investisseurs à l’ordre et inquiète les autorités européennes : elle démontre l’échec des mécanismes réglementaires. Malgré toutes les mesures de contrôle, la place financière peut se faire duper. Il est impératif de faire preuve d’une grande vigilance vis-à-vis des entreprises pour détecter et anticiper les anomalies financières. Par ailleurs, ce scandale souligne l’importance de diversifier ses placements par secteurs et zones géographiques, au sein de plusieurs établissements. Le « risque zéro » n’existe pas.
1988 : L’affaire Péchiney, un important délit d’initiés
Le géant de l’aluminium français Péchiney projette d’acquérir une société américaine, ANC, leader mondial de l’emballage. Dans les jours précédant l’offre d’achat, le titre de la maison mère d’ANC flambe en Bourse : son cours est multiplié par cinq. Péchiney rachète tout de même la société en payant le prix fort. La COB (Commission des opérations de Bourse, l’ancêtre de l’Autorité des marchés financiers) est alertée par la SEC, le gendarme de la Bourse de New York. Neuf personnes sont poursuivies pour délit d’initiés. Parmi elles, se trouvent des proches du président de la République française, François Mitterrand. L’affaire est embarrassante pour le pouvoir et plus de la moitié des titres de Péchiney sont aux mains de l’État français. L’affaire Péchiney est l’une des premières où les autorités de contrôle des deux côtés de l’Atlantique collaborent efficacement. En outre, elle signe la fin de la clémence à l’égard de la délinquance en col blanc.
1995 : La Barings fait faillite après des prises de position inconsidérées
Le trader Nick Leeson, employé de la Barings, investit des sommes colossales dans les produits dérivés. Il parie sur la stabilité de l’indice Nikkei, à une époque où le Japon affiche une grande prospérité. Cependant, le tremblement de terre de Kobe de janvier 1995 fait plus de 6400 morts, 43.000 blessés et cause pour plus de 100 milliards d’euros de dégâts matériels. C’est un coup d’arrêt brutal pour le dynamisme économique du pays. Nick Leeson tente alors de couvrir ses pertes en reprenant des positions bien supérieures aux fonds propres de la banque. Cette dernière se retrouve en cessation de paiement dès le mois suivant. Il se trouve que le management de Nick Leeson était au courant de sa fuite en avant. Cette nouvelle pousse l’ensemble des établissements à revoir leurs procédures de contrôle interne. Un grand nombre d’investisseurs dans les fonds de la Barings sont floués. La banque est finalement revendue un euro symbolique à ING.
2001 : Enron berne le marché
Le courtier en énergie américain affiche en 2000 un chiffre d’affaires de 100 milliards de dollars et compte 28.000 salariés. Toute la place financière chante les louanges de son modèle économique. Après la publication d’une perte importante à l’automne 2001, une enquête est ouverte. La société est rapidement lâchée par les banques et les investisseurs, sa capitalisation boursière s’effondre et Enron est placé en faillite.
On découvre alors que la direction a gonflé ses profits de façon artificielle. Elle a aussi isolé et caché ses déficits. C’est une fraude comptable massive, passée inaperçue aux yeux du cabinet d’audit et des agences de notation. Les dirigeants vendent massivement leurs titres avant d’annoncer les pertes, pourtant ils encouragent les salariés à en acheter. C’est un délit d’initiés caractérisé. À la suite de cette affaire, la loi Sarbanes-Oxley est votée en 2002 aux États-Unis. Elle renforce les dispositifs de contrôle et les sanctions à l’égard des contrevenants. L’adoption des normes comptables IFRS est également mise en place. C’est une présentation comptable harmonisée.
2007-2008 : Lehman Brothers entraîne les bourses mondiales dans sa chute
La banque d’investissement américaine Lehman Brothers a pris de lourdes positions sur les subprimes, des crédits immobiliers avec un fort risque de défaut. Or, les organismes de crédit ayant accordé ces prêts hypothécaires tombent les uns après les autres. Ils sont pris dans un étau entre la baisse des prix de l’immobilier aux États-Unis et à la hausse des taux d’intérêt. Lehman Brothers enregistre d’importantes pertes.
Ne parvenant pas à solder ses positions, la banque doit vendre à la casse un grand nombre d’actifs : sa valeur en Bourse dégringole. Au 9 septembre 2008, sa capitalisation boursière a chuté de 85% en un an, reculant même de 40% en une seule séance. La banque se place en faillite le 15 septembre. Elle entraîne dans sa chute l’ensemble de la place financière de New York et contamine ensuite tous les marchés mondiaux. Il ne s’agit pas ici d’une fraude caractérisée, mais d’une prise de risque inconsidérée au regard des fonds propres de l’établissement. Au cours de la décennie suivante, les différents organismes de régulation bancaire contraignent les banques à renforcer leurs fonds propres.
Les gendarmes de la Bourse
En France, deux autorités contrôlent la Bourse :
- L’Autorité des marchés financiers (AMF) protège les investisseurs et épargnants, surveille les données de marché et veille à la régularité des informations données. Elle a sous son contrôle tous les marchés financiers, même non réglementés.
- L’Autorité de contrôle des banques et assurances (ACPR) s’assure du respect des dispositifs de lutte contre le blanchissement des capitaux et le financement du terrorisme, ainsi que de la protection de la clientèle.
L'essentiel à retenir
- L’affaire Wirecard, qui a éclaté en 2020 en Allemagne, a plongé investisseurs, régulateurs, agences de notation et sociétés d’audit dans le trouble.
- De longue date, pourtant, les catastrophes de cet ordre ont émaillé l’histoire des places boursières.
- La protection des épargnants en est toujours sortie renforcée. Mais ces derniers doivent garder à l’esprit que le « risque zéro » n’existe pas.