Les époux disposent d’un instrument pour ajuster la répartition de leurs biens avant tout partage successoral : la clause de préciput. Elle permet au conjoint survivant de prélever des biens sur la communauté. Ceux-ci sont alors réputés lui appartenir en propre.
Quand un époux décède, le patrimoine de son conjoint survivant est composé de : ses biens propres, la moitié des biens communs et sa part dans la succession du défunt. Les droits du conjoint survivant sur la succession peuvent s’avére insuffisants à maintenir son train de vie, surtout quand le défunt a des enfants.
La communauté réduite aux acquêts est le régime le plus adopté par les couples mariés
Une très large majorité des couples se marient sans contrat de mariage : 85% en 1992 et 68% en 2018, selon l’Unaf en 2023. Leur relation patrimoniale est régie par la loi et son régime de communauté réduite aux acquêts. Ce régime distingue les biens propres et les biens communs. Les biens propres sont composés des biens possédés par chaque époux avant le mariage et des biens reçus par succession ou donation pendant le mariage. Les biens communs sont les biens acquis pendant le mariage par les époux, les salaires et les revenus de leurs biens propres.
Les avantages matrimoniaux : des dispositions légales pour protéger l'époux survivant
En matière de protection du conjoint survivant, le recours au régime matrimonial est efficace. En effet, le régime matrimonial est liquidé avant la liquidation de la succession. Il peut en découler des transferts d’actifs appelés «avantages matrimoniaux», comme l’attribution intégrale des biens de la communauté. Ce mécanisme n’entre pas en concurrence avec les droits des héritiers réservataires. Parmi ces avantages matrimoniaux, les époux mariés sous un régime de communauté peuvent prévoir une clause de préciput dans leur contrat de mariage. En vertu de cette clause, au moment du premier décès, le survivant est autorisé à prélever une certaine somme ou certains biens en nature sur la communauté. Il peut s’agir de la résidence principale, de liquidités, ou d’un contrat d’assurance-vie. La seule condition tient à ce qu’il s’agisse d’un bien commun aux deux époux. Le bien est alors considéré comme ayant toujours appartenu en propre au conjoint survivant.
Bon à savoir : La clause de préciput peut être prévue dans le contrat de mariage dès sa signature ou ajoutée en cours de mariage dans une convention. L'accord des deux époux est nécessaire pour remettre en cause cette clause. En cas de divorce, elle devient caduque.
Les biens transmis grâce à la clause de préciput sont hors succession
Le bien prélevé grâce à la clause de préciput est exclu de la succession du défunt. Cette technique juridique présente deux avantages. Elle permet d’éviter une situation d’indivision successorale sur certains biens entre le conjoint survivant et les héritiers du défunt. Elle peut également permettre de transmettre au conjoint survivant plus de biens que par le biais d’un testament. En effet, avec le testament, le conjoint survivant reçoit seulement la quotité disponible ordinaire : cette part du patrimoine du défunt n’étant pas réservée à ses enfants par la loi. Celle-ci s’élève à la moitié de la succession en présence d’un enfant, à un tiers de la succession en présence de deux enfants et à un quart de la succession à partir de trois enfants.
En présence d’enfants du défunt issus d’une précédente union, la clause de préciput ne peut pas aboutir à donner plus que la quotité disponible spéciale entre époux. Elle correspond à :
- l’usufruit des biens de la succession,
- la quotité disponible ordinaire : le quart de la succession en pleine propriété et les trois-quarts en usufruit.
Si les enfants se pensent lésés, ils peuvent faire valoir leurs droits en justice en exerçant une « action en retranchement ».
Par ailleurs, le prélèvement préciputaire est neutre sur le plan fiscal. En effet, il s’agit d’un avantage matrimonial et non d’une donation ou d’un legs. Il n’est donc pas soumis aux droits de mutation à titre gratuit. Il ne s’agit pas non plus d’un partage.
L'essentiel à retenir
- Au décès du premier conjoint, le patrimoine de son conjoint survivant est composé de ses biens propres, de la moitié des biens communs et sa part dans la succession du défunt.
- Le contrat de mariage peut autoriser le survivant à prélever sur les biens communs une certaine somme ou des biens en nature au moment du premier décès.
- Ce prélèvement dit préciputaire est un avantage patrimonial : il n’est ni une donation, ni un partage.