Phénomène en vogue sur les marchés en 2021 et 2022, la multiplication des SPACs (Special Purpose Acquisition Compagnies) suscite aussi méfiance et inquiétude. Pour les épargnants, investir dans un SPAC est une opération dont il faut mesurer les risques.
Un SPAC est une société fondée par un entrepreneur ou un investisseur renommé, appelé sponsor. En France, Xavier Niel, Mathieu Pigasse ont lancé ensemble un SPAC en 2016. Aux États-Unis, les sponsors sont souvent des hommes d’affaires. On trouve même d’anciens sportifs comme la championne de tennis Serena Williams ou l’ancien basketteur Shaquille O’ Neal. Un SPAC n’a pas d’activité : son objet social est de lever des fonds sur les marchés en vue d’acquérir une autre société, non cotée, et opérationnelle.
Le sponsor ou fondateur dépose une faible mise de départ (entre 2% et 5% du capital). Ensuite, les investisseurs prenant part à l’introduction en Bourse apportent le reste. La société a deux ans pour réaliser son acquisition. Le choix de la société cible doit être validé en assemblée générale des actionnaires. Dans l’intervalle, les sommes sont mises sous séquestre et rapportent un intérêt annuel aux investisseurs. Les titres peuvent être revendus sur les marchés. Si l’acquisition prévue ne se fait pas dans les délais impartis, les investisseurs sont remboursés de leur apport.
Pourquoi les SPACs sont controversés ?
Les SPACs présentent plusieurs écueils. D’abord, pour les investisseurs, il s’agit d’investir non pas sur une société en activité, avec des bilans et une activité à présenter, mais sur l’hypothétique réussite d’une opération d’acquisition, par le sponsor. Ils ignorent quelle sera la société acquise. Pour cette raison, les détracteurs de SPAC utilisent fréquemment l’expression de « chèque en blanc » : ils désignent cette confiance aveugle dans la capacité du sponsor à mener une opération au bon prix et sur une société rentable.
Ensuite, les SPACs font apparaître une distorsion entre les intérêts du sponsor (le fondateur) et ceux des investisseurs. Si l’opération d’achat ne se réalise pas, les investisseurs sont remboursés. Toutefois, le sponsor paye de sa poche tous les frais juridiques liés à la création et à l’introduction en Bourse du SPAC. Il a donc intérêt à ce que l’opération se fasse et risque pour cela de payer la société trop cher. En outre, les SPAC se sont multipliés, réduisant le nombre d’entreprises cibles à acquérir. La concurrence entre acquéreurs fait grimper les prix des actifs. Une fois l’opération effectuée, les investisseurs risquent de se retrouver actionnaires d’une société surpayée.
Autre inconvénient : bien souvent, avec une faible mise de départ, le sponsor s’octroie une part du capital importante. Par exemple, il peut apporter 5% des fonds et décider (puisque qu’il définit les statuts) qu’avec cet apport, il a 10% du capital. En outre, il se réserve souvent des options d’achat au cas où la société émettrait de nouveaux titres. Toutes ces opérations se font au détriment des autres investisseurs. En effet, ces derniers peuvent voir leur participation diluée.
Des premiers écueils des SPACs révélés au grand jour
Au printemps 2023, l’annonce de liquidation programmée du plus grand SPAC européen (Pegasus) a inquiété les investisseurs. Le SPACs n’ayant pas trouvé de société cible à acquérir a préféré cesser son activité et rembourser ses actionnaires. Dans un contexte de volatilité persistante des marchés, le SPAC Accor Acquisition Company a également annoncé sa liquidation peu après, faute de sociétés suffisamment matures à acquérir à un bon prix.
Toutes ces raisons doivent inciter les épargnants à la prudence. Il leur est recommandé de bien se documenter avant d’investir et de limiter leur investissement sur ces opérations. Celles-ci comportent beaucoup plus d’incertitudes que les achats d’actions classiques. Cette méfiance doit être de mise même si les sponsors font preuve de professionnalisme.
L'essentiel à retenir
- Les SPACs sont des sociétés cotées sur les marchés.
- Les SPACs n’ont pas d’activité, et ont vocation à acheter une société non cotée.
- En investissant dans les SPACs, les épargnants font une confiance aveugle aux fondateurs.
- En l’absence d’historique sur les performances de l’entreprise, le risque est beaucoup plus élevé qu’avec un achat d’actions de sociétés existantes.