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Nouvelle génération de prévisions météorologiques avec l’apprentissage automatique

Technologie
Une série d’avancées majeures dans les prévisions météorologiques basées sur l’apprentissage automatique permet aux scientifiques de connaître le ciel de demain avec plus de précision, même si le réchauffement de la planète augmente la fréquence des aléas climatiques.
Digital Metaverse

Les rougeurs du matin font tourner les moulins.

Depuis des siècles, les humains s’appuient sur des prévisions météorologiques pour protéger leurs vies et leurs moyens de subsistance.

Aujourd’hui, les techniques sont beaucoup plus sophistiquées et ne se limitent pas à une simple observation du ciel. Les prévisionnistes utilisent des superordinateurs qui analysent d’énormes quantités de données à l’aide de modèles mathématiques. Ces gigantesques machines peuvent effectuer plus de 10 000 milliards de calculs par seconde et elles doivent filtrer quotidiennement des centaines de milliards d’observations météorologiques dans le monde entier.

Pourtant, il est toujours difficile d’anticiper la météo. L’atmosphère est en effet un système dynamique et chaotique qui renferme de nombreuses inconnues. Et pour ne pas faciliter les choses, le réchauffement climatique augmente la fréquence des événements météorologiques extrêmes tels que les vagues de chaleur, les inondations et les tempêtes.

Les enjeux liés à des prévisions météorologiques rapides et précises n’ont jamais été aussi élevés, car les entreprises, les autorités et les particuliers cherchent de plus en plus à protéger des vies, à limiter les coûts et à s’adapter aux dangers météorologiques qui causent des dommages estimés à 200 milliards de dollars par an à l’économie mondiale. Swiss Re effectue des estimations sur la base de quatre dangers météorologiques: les inondations, les cyclones tropicaux, les tempêtes d’hiver en Europe et les orages violents. https://www.swissre.com/press-release/Economic-losses-set-to-increase-due-to-climate-change-with-US-and-Philippines-the-hardest-hit-Swiss-Re-Institute-finds/3051a9b0-e379-4bcb-990f-3cc8236d55a1

Heureusement, l’avènement de l’apprentissage automatique (AA) et de la modélisation de grands ensembles de données permet aux scientifiques de prédire les changements atmosphériques avec une meilleure précision à plus long terme. En même temps, les avancées technologiques transforment les prévisions météorologiques en une activité commerciale, abaissant les barrières à l’entrée dans ce qui était traditionnellement un service public sous-financé.

L’année dernière, un cap majeur a été passé par des modèles d’AA pré-entraînés développés par Huawei en Chine. Ainsi, le programme Pangu-Weather offre une résolution 3D élevée qui permet d’obtenir des prévisions météorologiques plus rapides et plus précises que les méthodes conventionnelles, tout en ne requérant qu’un serveur.

La réponse de Google ne s’est pas fait attendre. Son unité DeepMind a dévoilé fin 2023 son système de prévisions météorologiques basé sur l’IA, GraphCast, qui fonctionne sur un ordinateur de bureau. Et en mars, Nvidia a lancé une plateforme de jumeau numérique, Earth-2, pour simuler les conditions météorologiques et climatiques.

«Les modèles basés sur les données... peuvent rivaliser avec les modèles basés sur la physique en termes d’extrêmes. La communauté scientifique comble rapidement son retard et l’apprentissage automatique peut nous aider à avancer vers une modélisation plus rapide et une résolution plus fine», déclare Dr Nicolas Gruber, professeur de physique environnementale à l’ETH Zurich et expert en modélisation climatique.

«Actuellement, des entreprises privées sont à l’origine de la plupart des innovations dans ce domaine. De fait, toutes les grandes entreprises technologiques ont réalisé d’importants investissements. Dans le même temps, il est important de noter que le secteur privé s’appuie sur la grande quantité de données en libre accès que la communauté scientifique et les entités publiques, telles que les services météorologiques, fournissent gratuitement. Sans ces données, l’entraînement de ces modèles basés sur les données n’aurait pas été possible.»

Boîte noire et événements imprévus

Les prévisions météorologiques modernes dépendent de prévisions météorologiques numériques (NWP) basées sur la physique, qui utilisent les observations météorologiques les plus récentes – telles que la température, les précipitations, la pression, le vent et l’humidité – ainsi qu’un modèle informatique mathématique de l’atmosphère pour produire une prévision.

Aujourd’hui, le professeur Gruber affirme que les avancées dans le domaine de l’informatique haute puissance ont permis d’obtenir des prévisions avec une résolution plus élevée grâce aux NWP, soit un quadrillage d’environ 1,5 km sur une période de 7 à 10 jours, ce qui représente une précision multipliée par deux par rapport à il y a 20 ans.

Bien qu’il s’agisse d’une avancée, la résolution n’est toujours pas assez bonne pour permettre aux autorités de planifier efficacement la prévention des catastrophes et l’aide à l’évacuation en cas d’événements extrêmes tels que les ouragans ou les entreprises pour éviter les pertes dues aux inondations ou aux sécheresses.

«Le défi consiste à être plus précis dans l’identification du déplacement des orages et à prévoir les zones qui doivent être évacuées», explique le professeur Gruber.

De fait, une résolution encore plus fine, de l’ordre du mètre, est nécessaire pour montrer avec précision comment les nuages se forment et se développent, car, selon les scientifiques, c’est là que réside la plus grande source d’incertitude dans les projections. Et cela a un coût supplémentaire par rapport à une méthode NWP conventionnelle: les modèles avec une telle précision nécessitent 100 milliards de ressources de calcul en plus que les modèles de pointe à 1 km d’aujourd’hui.https://dl.acm.org/doi/pdf/10.1145/3592979.3593412

 

«L’apprentissage automatique devient problématique si quelque chose d’inattendu se produit et ne fait pas partie de vos données d’entraînement. Avec le réchauffement climatique, nous entrons dans l’inconnu. Nous ne savons pas à quoi ressemblera un monde plus chaud de 2 °C ou 4 °C.»

Les avancées dans l’IA et l’AA promettent de relever ces défis. Par exemple, Earth-2 de Nvidia génère des images avec une résolution 12 fois supérieure à celle de son homologue NWP, le tout en allant 1 000 fois plus vite et en ayant une efficacité énergétique 3 000 fois supérieure.https://nvidianews.nvidia.com/news/nvidia-announces-earth-climate-digital-twin

Cependant, le professeur Gruber est moins confiant quant à la capacité des modèles d’AA à faire face à des conditions météorologiques sans précédent, volatiles et intenses, qui résulteront du changement climatique. 

Généralement, l’apprentissage automatique s’appuie sur des modèles de régression statistique entraînés à l’aide de centaines de millions de paramètres de données météorologiques historiques, tels que la pression atmosphérique ou les conditions du ciel.

Mais les événements graves, tels que les inondations mortelles à Dubaï en 2024 ou la vague de chaleur record à Delhi au début de la même année, sont inédits.

«Les modèles d’apprentissage automatique sont bons pour reproduire les paramètres et l’espace de données dont vous disposez déjà. Mais vous n’obtenez que ce pour quoi ils sont formés. Cela devient problématique si quelque chose d’inattendu se produit et ne fait pas partie de leur entraînement», explique le professeur Gruber.

«Avec le réchauffement climatique, nous entrons dans l’inconnu – nous ne savons pas à quoi ressemblera un monde plus chaud de 2 °C ou 4 °C.»

Des modèles gourmands en ressources

Les modèles d’AA nécessitent un entraînement en profondeur dans une grande infrastructure de centre de données avec des superordinateurs. Selon le professeur Gruber, la consommation d’énergie de ces installations devient également une contrainte pour le développement futur des systèmes de modélisation météorologique et climatique.

Par exemple, il utilise un modèle qui repose sur un superordinateur consommant 1 mégawatt (1 MW) d’électricité. Si cette électricité est fournie par un service électrique européen moyen, cela entraîne des émissions de plus de 4 000 tonnes de CO2 par an, ce qui équivaut à plus de 40 millions de kilomètres parcourus avec une voiture essence lambda. Certains des plus grands superordinateurs du monde consomment jusqu’à 20 MW.

Et cela arrive à un moment où l’IA et les centres de données indispensables à cette technologie de pointe sollicitent déjà grandement les réseaux électriques locaux. L’Agence internationale de l’énergie s’attend à ce que l’électricité consommée par les centres de données double à l’échelle mondiale d’ici 2026 pour atteindre plus de 1 000 térawattheures soit environ la consommation annuelle du Japon.

«L’élargissement des modèles d’AA est difficile, car une puissance de calcul accrue n’est pas toujours couplée à une amélioration proportionnelle des performances», explique le professeur Gruber.

«La puissance de calcul nécessaire pour soutenir l’essor de l’IA double environ tous les 100 jours, ce qui pèse sur les ressources. Il est impératif que nous équilibrions l’évolution de l’IA avec les impératifs de la durabilité.»

Infos investissement

par Jennifer Boscardin-Chin, Senior Client Portfolio Manager, thematic equities, Pictet Asset Management

  • L’avènement de l’apprentissage automatique et de l’intelligence artificielle apporte d’énormes avantages. Cette technologie de pointe repose sur des centres de données qui entrent en concurrence avec d’autres entreprises, industries, mais aussi les riverains pour accéder à l’énergie, à l’eau et au foncier. L’alourdissement de leur empreinte environnementale implique une demande croissante de solutions plus efficaces pour optimiser davantage l’utilisation de l’énergie et des ressources.

  • Des événements météorologiques extrêmes plus fréquents augmentent les investissements nécessaires dans l’adaptation climatique qui vise à renforcer la résilience des villes et de leurs infrastructures. Le marché de l’adaptation au climat, y compris l’immobilier et les technologies écologiques, les pratiques agricoles durables et l’amélioration de la préparation aux catastrophes, devrait représenter 2 000 milliards de dollars dans les années à venir (source: Bank of America). De plus, le retour sur investissement est intéressant: chaque dollar investi dans des stratégies d’adaptation pourrait générer une performance de 2 à 10 dollars d’ici 2030 (source: World Resource Institute).

  • Qu’il s’agisse de technologies à haute efficacité énergétique ou de stratégies d’adaptation au climat, les entreprises qui fournissent des solutions environnementales sont susceptibles d’offrir des retours sur investissements pérennes. Cela s’explique souvent par le fait que le marché sous-estime les moteurs de la croissance environnementale à long terme et leur persistance dans le temps et se focalise trop sur les estimations de profits à court terme.