Qu'il s'agisse de logements, de bureaux, de routes ou d'installations électriques, l'environnement bâti est depuis longtemps un pôle d'attraction pour les investissements privés.
Mais comme les investisseurs s'en rendent compte aujourd'hui, les techniques utilisées pour construire des infrastructures essentielles ne sont plus soutenables ; le secteur de l'immobilier représente à lui seul environ 40% des émissions mondiales de carbone.
Rendre le secteur de la construction plus écologique est donc devenu une priorité. On ne sait cependant pas si cette transition représente une opportunité d’investissement rentable.
Voici l’énigme que les participants au Klosters Forum de cette année se sont donné pour mission de résoudre.
Pendant trois jours de discussions intenses, des promoteurs, des investisseurs, des architectes, des entrepreneurs et des universitaires ont remis en question les pratiques établies du secteur de la construction et ont examiné comment les nouvelles technologies et les réglementations plus strictes pourraient permettre une transition durable.
Vers la régénération
L’événement a commencé avec un atelier interactif intitulé «Bâtiments à émission nette zéro: financer la transition vers un environnement bâti climatiquement neutre».
Les délégués ont appris que les techniques de construction traditionnelles causent des dommages irréversibles à l'environnement, en portant atteinte à la terre, à l'eau et à la biodiversité, autant de dimensions environnementales clés identifiées par le modèle des limites planétaires.
Ce modèle forme un cadre pour le développement durable reconnu à l’échelle mondiale. Conçu en 2009, il définit les seuils environnementaux à ne pas dépasser pour permettre à l’humanité de survivre, de se développer et de prospérerPour plus de détails, veuillez lire cet article https://am.pictet/en/globalwebsite/global-articles/2020/expertise/thematic-equities/planetary-boundaries-and-environmental-footprint-of-businesses.
«Nous devons comprendre les limites planétaires en matière de développement urbain», a déclaré Rasmus Nørgaard, cofondateur du promoteur danois Home.Earth et membre du conseil d’administration de NREP, le plus grand gestionnaire de fonds immobiliers des pays nordiques.
Pour beaucoup, il était clair qu’atteindre zéro émission nette, ou la neutralité carbone, n’était pas assez ambitieux. À l’inverse, le secteur du bâtiment – comme ses investisseurs – devrait se positionner à l’avant-garde non seulement dans la prévention des dommages, mais aussi dans la réparation et la restauration de ce qui a été perdu en raison d’un développement urbain non contrôlé.
«Nous avons tellement dégradé l’environnement que nous devons étudier le concept de régénération», a expliqué Steve Freedman, responsable de la recherche et de la durabilité au sein de l’équipe Actions thématiques de Pictet Asset Management, lors de cet atelier.
Götz Hilber, cofondateur de Rematter, une start-up zurichoise qui fournit des matériaux de construction durables, a déclaré: «Nous devons changer d’état d’esprit et nous concentrer sur l’augmentation de notre impact positif plutôt que sur la réduction de notre empreinte négative».
«En faisant reculer quelque chose de mauvais, on reste seulement moins mauvais. C’est un message frustrant pour l’humanité... Nous ne voulons pas non plus être neutres. Nous voulons être positifs.»
Comment réduire l’empreinte
Les participants à la conférence ont appris que, même si les investisseurs en infrastructure conviennent de la nécessité de changement, ceux-ci éprouvent souvent de grandes difficultés à trouver des projets qui répondent à leurs objectifs environnementaux.
De même, les promoteurs et les entrepreneurs ont du mal à obtenir des financements à grande échelle pour des projets parfois ambitieux appliquant des approches innovantes en matière de durabilité, de résilience et d’inclusion. Cet important déficit de financement est un obstacle majeur à la transition durable.
Nørgaard a présenté un exemple prometteur au Danemark qui a su surmonter ces difficultés. À Copenhague, Home.Earth construit des logements et des bâtiments durables et abordables dont l'empreinte écologique est réduite, qui améliorent la qualité de vie des habitants et qui sont rentables.
Aujourd’hui, les bâtiments qui sont considérés comme parmi les plus durables du marchéQui ont obtenu la certification Or remise par le Conseil allemand pour la construction durable (DGNB), une norme relative aux bâtiments durables reconnue à l’échelle mondiale émettent environ 11 kg de CO2 par mètre carré et par an au Danemark, soit près de 10 fois plus que le seuil fixé par les limites planétairesSur la base d’une surface de 59 m² par personne et d’une allocation suffisante. Cible du DGNB incluant une moyenne opérationnelle du secteur du carbone de 1,8 kg de CO2/m²/an.
Grâce à des pratiques circulaires et régénératrices telles que la réutilisation du bois, Le premier bâtiment résidentiel construit par Home.Earth affichait une empreinte carbone de seulement 5 kg, un nouveau record pour cette catégorie de bâtiments dans le paysLa méthode danoise de calcul de l’empreinte carbone suppose que le bois est brûlé au bout de 50 ans. Cela dit, s’il est réutilisé en fin de vie au lieu d’être incinéré, son empreinte chute à seulement 2 kg.
Les promotions menées par Home.Earth permettent également de réduire la surface occupée par chaque résident, ce qui contribue dans l’ensemble à réduire l’empreinte carbone et l'utilisation des ressources.
En moyenne, un Danois occupe ainsi environ 59 mètres carrés. Les maisons conçues par Home.Earth divisent pratiquement ce chiffre par deux avec une moyenne de 25 à 30 m² par personne. Autrement dit, les pratiques régénératrices de Home.Earth sont à même de démontrer qu'il est possible de construire de nouveaux logements conformément au cadre des limites planétaires.
En outre, ces projets immobiliers ont un objectif social ambitieux, y compris la redistribution des bénéfices non seulement aux actionnaires, mais aussi aux locataires.
Ce modèle de rémunération des parties prenantes - qui devient une caractéristique commune des projets de construction durable dans les économies développées - permet d'attirer des locataires plus fidèles et d'établir une base communautaire et sociale solide, remédiant ainsi à un élément de faiblesse de l'investissement ESG dans le secteur de l'immobilier.
«En s’engageant de manière significative aux côtés d’un large éventail d’acteurs locaux et en leur donnant les moyens d’agir, on peut créer une relation de confiance et, en retour, obtenir la permission de poursuivre le projet. C’est alors un cercle vertueux qui s’enclenche», a expliqué Paul King, directeur général responsable de la durabilité et de l’impact social au sein de la société immobilière Lendlease Europe.
L’instauration d’un climat de confiance avec les différentes communautés locales est un sujet particulièrement pressant pour les planificateurs. En matière de planification immobilière à grande échelle, seulement 2% du public et 7% des autorités locales font confiance aux promoteurs, selon une étude réalisée en 2019 par la société immobilière britannique Grosvenor Group.
«Nous devons construire un partenariat d’investissement étroit et à long terme pour combler un déficit de financement colossal», a affirmé King.
Justice spatiale
La justice spatiale est une autre approche novatrice visant à combler le déficit de financement dans le développement urbain durable.
Ce concept, qui a été présenté aux participants à la conférence du Klosters Forum, a été lancé par l’influent urbaniste américain Edward Soja en 2010Soja, E.W., 2010, Seeking spatial justice. University of Minnesota Press. Celui-ci estimait que tous les citadins devaient disposer des mêmes droits et avoir un accès égal aux ressources et aux services.
Dans le cadre de cette approche, les taux d'intérêt, la valorisation et la fiscalité d'un bien immobilier tiendraient compte des caractéristiques environnementales et sociales de ce bien.
Le saviez-vous?
Les émissions de carbone des bâtiments considérés comme parmi les plus durables* du marché sont près de 10x supérieures au seuil fixé par les limites planétaires.
*Ayant obtenu la certification Or remise par le Conseil allemand pour la construction durable (DGNB). Source: Home.Earth, 2023.
À l’heure actuelle, ce sont les résidents et les communautés locales qui supportent le coût de la dégradation de l’environnement, pas les promoteurs ou les propriétaires.
La fiscalité progressive et des mécanismes d'assurance devraient donc stimuler un changement dans l'allocation du capital en faveur des bâtiments qui promeuvent un plus grand bien public, grâce notamment à de faibles émissions de carbone, à un air propre et à des espaces verts. Ce faisant, les propriétaires et les gestionnaires d'actifs seraient encouragés à investir dans la robustesse à long terme du portefeuille, plutôt qu'à obtenir des rendements purement financiers.
Plus précisément, les impôts sur la fortune et les primes pour les projets de construction écologiques et économes en énergie figurent parmi les options discutées ; l'inclusion des risques environnementaux dans les principaux critères d'assurance en est une autre.
«Ce sont les habitants qui supportent les conséquences financières de la vie dans un bâtiment de mauvaise qualité... Il faut que les investissements passent de l'extraction de bénéfices à l'investissement dans la capacité de résistance à long terme», a déclaré l'un des participants.
Qu’est-ce que le Klosters Forum?
Le Forum Klosters est une organisation à but non lucratif qui offre une plateforme neutre aux esprits visionnaires et audacieux pour relever quelques-uns des défis environnementaux les plus pressants au monde. Sa mission est d'accélérer les changements environnementaux positifs en développant une communauté de penseurs et d'acteurs de premier plan et en favorisant les échanges et les collaborations interdisciplinaires.
Chaque année, le Forum organise un événement consacré à l’environnement dans un cadre neutre et discret. Il vise ainsi à mettre en relation des participants de haut niveau issus des secteurs de la science, des affaires, de la politique et de l’industrie, ainsi que des ONG, des esprits créatifs et des experts en développement durable. Cette année, le forum annuel s'est déroulé du 27 au 29 juin 2023 sur le thème «L'avenir de l'environnement bâti».
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Partenariat de Pictet avec le Klosters Forum
Le groupe Pictet est ravi de s'associer au Forum Klosters pour attirer l'attention sur l'impact de l'immobilier sur notre environnement et de contribuer au débat sur ce sujet fondamental
En tant que fiduciaires du capital mondial, nous sommes en mesure de refuser ou de retirer des capitaux aux entreprises qui ne prennent pas au sérieux leurs responsabilités en matière d'environnement. À notre sens, alors que le débat environnemental actuel tend à se concentrer principalement sur le changement climatique, les investisseurs doivent désormais accorder autant d'attention à leur impact sur la biodiversité qu'à leur empreinte carbone. Nos équipes de gestion bénéficient d’une expérience considérable dans ce domaine grâce à la gamme pionnière d’investissements durables et thématiques qu’elles gèrent.