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L’atout Trump ?

Obligations
La victoire électorale de Donald Trump devrait être significative pour les investisseurs obligataires du monde entier. Toutefois, son importance dépend de la version de Trump à laquelle nous aurons droit.
L’atout Trump ?

Les marchés obligataires et monétaires avaient intégré une forte probabilité de victoire de Donald Trump avant l’élection présidentielle américaine. À présent, les investisseurs doivent répondre à une question: quel Trump pourraient-ils voir débarquer? Il existe en effet trois possibilités, chacune ayant des implications différentes pour les marchés.

Tout d’abord, il y a le Trump classique, en d’autres termes le Trump que le marché anticipait. Dans ce cas, les investisseurs prennent les politiques proposées par Trump pour argent comptant en s’appuyant sur ce qu’il fera probablement. Les cours de marché tiennent déjà largement compte de cette version, qui inclut des droits de douane agressifs, des réductions fiscales aux entreprises et de la déréglementation.  

Ensuite, il y a le Trump volatil et erratique, qui pourrait tenir ses promesses, mais qui pourrait tout aussi bien prendre une direction complètement différente. Cette imprévisibilité devrait se traduire par une volatilité implicite plus élevée, qui apparaît dans certains actifs, mais pas dans tous.

Enfin, il y a le Trump imprévu, qui cherche à trouver des accords en utilisant ses positions initiales extrêmes uniquement comme des points de départ pour la recherche d’issues favorables aux États-Unis, mais loin des gros titres. Selon nous, cette dernière version de Trump est celle que les marchés n’ont pas anticipée. Elle présente ainsi une certaine valeur potentielle pour les investisseurs.

Fig. 1 – Balle courbe

Forme de la courbe des taux des bons du Trésor américain à la date concernée, %

Bloomberg, Pictet Asset Management. Données au 08.11.2024.

C’est l’économie

La tâche des investisseurs obligataires est en outre encore compliquée par l’évolution de la réaction de la Réserve fédérale américaine en fonction des résultats électoraux – pas seulement de la victoire de Trump, mais aussi de la très forte probabilité qu’elle entraîne une vague républicaine au Congrès. Les républicains ont pris le Sénat et sont en tête à la Chambre des représentants. Le contrôle républicain de l’exécutif et du législatif ouvre la porte aux politiques trumpiennes de réduction des impôts et d’augmentation des déficits, qui ont toutes deux des implications pour la courbe des taux

Face à une conjoncture étonnamment solide, les investisseurs ont déjà dû revoir leurs attentes concernant le cycle des taux actuel. La Fed devrait encore réduire ses taux, mais l’ampleur des baisses devrait être moins forte que prévu. Les politiques de Trump en matière de douane et d’immigration risquent d’être inflationnistes. Tout comme des dépenses budgétaires plus élevées et des impôts inférieurs. Ces deux tendances pourraient faire grimper le taux terminal des fonds fédéraux – le niveau auquel le taux d’intérêt directeur est susceptible de se stabiliser – ainsi que la trajectoire qui y conduit.

Pour les investisseurs obligataires, une composante inflationniste plus élevée de la courbe des taux d’intérêt pourrait être aggravée par une augmentation des primes à terme – c’est-à-dire des primes de risque associées à la détention d’obligations d’échéance longue. Cela s’explique par les risques associés au déficit américain croissant.

Ces répercussions sont déjà visibles dans la courbe des taux, dont l’ascension par rapport à ses plus bas niveaux du début de l’année a déjà commencé. Les niveaux de son extrémité longue approchent ceux de l’an dernier (voir Fig. 1). En effet, nous avons assisté à un début de cycle de réduction de la Fed inhabituel: les rendements obligataires à 10 ans ont augmenté au lieu de s’assouplir dans les jours qui ont suivi la première réduction (voir Fig. 2).

Fig. 2 – Inverser la tendance

Variation du rendement des bons du Trésor américain à 10 ans, jours après la première baisse de taux de la Réserve fédérale, %

Bloomberg, Pictet Asset Management. Données au 08.11.2024.

Fléchissement du dollar?

Les droits de douane ont tendance à stimuler la monnaie du pays qui les impose. On peut débattre sur le fait que Trump mettra effectivement en place ou non les 60% de droits sur la Chine qu’il a promis, mais le marché estime que d’importantes mesures de lutte contre le commerce sont à prévoir. Alors que le dollar profitait déjà de la situation économique – ce qui a fait évoluer la réflexion sur le niveau maximum de baisse potentielle des taux dans le cycle actuel – Trump lui a offert un deuxième coup de pouce.

Néanmoins, si, comme nous le pensons, Trump finit par retenir ses coups contre le commerce, le billet vert pourrait finir par rendre une partie de ses gains.

Un dollar fort a tendance à nuire à la dette des marchés émergents. Les pays qui empruntent en dollars doivent rembourser davantage au regard de leur propre monnaie et de leur production. La Chine pourrait toutefois finir par atténuer ce phénomène. Pékin a déjà adopté 2 000 milliards de RMB de mesures de relance monétaire (soit 1,6% du PIB), autorisé les autorités locales en difficulté à émettre 10 000 milliards de RMB de dette sur cinq ans pour restructurer leurs finances et indiqué que d’autres mesures budgétaires étaient envisagées. Si le gouvernement estime qu’il doit faire plus en réponse à la proposition de Trump de réduire les importations chinoises, il dispose de la marge de manœuvre budgétaire pour le faire. Et toute relance chinoise de grande ampleur sera inévitablement de très bon augure pour les autres économies des marchés émergents, en particulier celles de ses voisins proches.

Parallèlement, la Banque centrale européenne devrait réagir à la fois à la menace des droits de douane américains et à la faiblesse de l’économie de la zone euro en assouplissant davantage sa politique monétaire. Selon nous, au vu de ces pressions, il est fort probable que la BCE se voie obligée de réduire ses taux en dessous de son taux naturel.

Énigmes géopolitiques

Les effets économiques cachés de Trump à court et moyen terme sont liés à ce qu’il laisse entendre dans le domaine de la géopolitique. Va-t-il forcer l’issue en Ukraine, et mettre ainsi fin à la guerre avec la Russie? Et la Russie tournera-t-elle son regard vers les pays baltes? La Chine utilisera-t-elle son isolationnisme instinctif comme une opportunité pour cibler Taïwan? Quelles seraient les répercussions sur la situation actuelle au Moyen-Orient? Israël cherchera-t-il à cibler davantage l’Iran? L’Iran, mis dos au mur, voudra-t-il se défendre?

Plus généralement, l’incertitude géopolitique pourrait venir ajouter une prime de risque supplémentaire aux prix des actifs. Il y a donc une prime de risque trumpienne que les marchés n’ont pas entièrement intégrée. Peu importe le chemin que suivra son administration, nous devons nous attendre à de nombreuses surprises.