En règle générale, les investisseurs investissent leurs capitaux par classe d’actifs: actions cotées, obligations négociées, actifs privés, marchés émergents, etc.
Pourtant, cette classification repose sur quelques hypothèses risquées. Premièrement, l’idée que les corrélations entre les différentes classes d’actifs restent stables dans le temps. Deuxièmement, celle qui veut que les attributs associés aux investissements dans une classe d’actifs – la sécurité ou la croissance, par exemple – restent constants.
Si l’une de ces hypothèses s’avère erronée, les efforts de diversification et de gestion des liquidités seront compromis. L’efficacité d’un portefeuille d’investissement risque alors de chuter.
Prenez par exemple la notion selon laquelle les profils de risque du capital-investissement et des actions cotées sont différents. Elle ne se vérifie pas toujours, notamment lorsque les investisseurs détiennent des portefeuilles composés à la fois de capital-investissement et d’actions de petite capitalisation. En ce qui concerne la taille et la liquidité, les recoupements entre les deux catégories d’actifs sont plus grands que les investisseurs peuvent penser.
La grande différence entre le capital-investissement et les actions de petite capitalisation réside dans les performances. Selon nos modèles, au cours des cinq prochaines années, les actions mondiales de petite capitalisation généreront une performance annuelle de 8,2%. En revanche, nous tablons sur une progression de 9,5% par an pour le capital-investissement, soit une prime de 1,3% par rapport aux petites capitalisations (voir graphique). En d’autres termes, les investisseurs qui auraient remplacé les actions de petite capitalisation par du capital-investissement dans leurs portefeuilles auraient noté une hausse significative de performance, même si celle-ci implique de renoncer à la liquidité. Cela dit, ce facteur peut s’avérer illusoire sur le marché des petites capitalisations.
L’absence relative de liquidité des actions de petite capitalisation signifie que les investisseurs espérant échanger des volumes importants de ces titres ne sont pas vraiment en meilleure posture que ceux qui se tournent vers le capital-investissement. Les ventes et les achats en bloc ont en effet tendance à prendre du temps et à réclamer une certaine discrétion des opérations de commercialisation afin d’éviter un impact important sur le marché.
Dès lors, les investisseurs disposant à la fois d’un panier de capital-investissement et de positions importantes en titres de petite capitalisation dans leur allocation en actions mondiales pourraient potentiellement être exposés à un risque de liquidité plus élevé qu’ils pensent. Ils feraient donc bien repenser la taille globale de leur allocation combinée dans ces deux groupes d’actifs au regard de leurs besoins de liquidité. Les investisseurs pourraient également se tourner vers davantage de capital-investissement du marché intermédiaire, un segment qui offre une meilleure diversification par rapport aux actions cotées, si le risque de liquidité global est accepté.
Les effets liés à la taille ne sont pas non plus un problème. La principale catégorie de capital-investissement est celle des «grands rachats». Elle englobe des entreprises d’une valeur comprise entre 100 millions et 2 milliards de dollars. Il s’avère que cette fourchette de taille est presque identique à celle des sociétés de petite capitalisation, dont les capitalisations se situent généralement entre 250 millions et 2 milliards d’USD.
Pour éviter les coûts de transaction et d’exploitation, la période de détention associée aux petites entreprises est généralement plus longue que celle de leurs homologues de plus grande capitalisation. Les investisseurs sont donc bloqués jusqu’à ce que la rémunération permise par la performance sous-jacente soit suffisante pour réaliser la valeur notionnelle des positions. On peut donc dire que le recoupement entre les actions de petite capitalisation et le capital-investissement est considérable.
Le fait que la taille et la liquidité ne soient pas des facteurs permettant de distinguer la performance relative du capital-investissement et des actions cotées de petite capitalisation montre combien la sélection des sociétés (choisir de sociétés qui peuvent être améliorées), la restructuration et l’amélioration de la performance opérationnelle sont importantes pour obtenir des performances sur les investissements. En d’autres termes, investir de façon plus active est important.
De même, les investisseurs en instruments de crédit auraient de bonnes raisons de se tourner vers les marchés privés, notamment compte tenu de la pénurie d’obligations d’entreprises négociées émises actuellement. Pour les investisseurs qui souhaitent construire des portefeuilles de crédit, associer des dettes privées et des crédits négociés en bourse aide à générer des positions plus larges et plus diversifiées. Les prêts directs aux sociétés qui ne peuvent lever facilement des capitaux d’une autre manière présentent également de meilleurs rendements.
Le portefeuille dans son ensemble
L’approche de portefeuille total, qu’une poignée de grands fonds souverains et de fonds de dotation ont adoptée, a pour but d’éviter les pièges liés à l’allocation des investissements uniquement par classe d’actifs. Plutôt que de se fier à des étiquettes, cette approche compare en permanence les caractéristiques sous-jacentes de chaque catégorie d’investissement. Elle fixe ensuite les allocations en fonction de contraintes d’investissement prédéfinies.
Ainsi, les investisseurs peuvent mieux contrôler les interactions entre les actifs et les corrélations dans divers environnements de marché. Par exemple, certains instruments seront relativement décorrélés la plupart du temps, mais présenteront par ailleurs des corrélations fortes en période de crise. Il est ensuite possible de construire des portefeuilles de manière cohérente, constante et logique, en fonction des préférences en matière de liquidité, de revenu et de risque.
C’est l’approche que nous avons toujours suivie pour notre stratégie Dynamic Asset Allocation. Elle nous a permis de prendre des positions concentrées au sein des classes d’actifs, car nous savions que l’approche de portefeuille total nous permettait de les diversifier, au lieu de nous obliger à diluer nos principales convictions à travers des diversifications constantes au sein de chaque panier d’investissement.
Nous considérons l’allocation en actifs privés au regard du reste de nos investissements et leurs interactions, leurs performances et leurs caractéristiques de diversification sont envisagées dans leur ensemble. D’après notre expérience, cette approche dynamique qui cible les résultats est plus efficace que celle qui consiste à s’appuyer uniquement sur une allocation stratégique.